L'Assemblée adopte le budget de la discorde

Plus de 336 milliards de francs CFA supprimés de l'enveloppe des investissements ; 109 milliards sur les achats de biens et services, plus de 5 000 milliards de besoins de financement… Les choix budgétaires effectués par le ministère des Finances n'ont pas agréé les députés de l'opposition, qui estiment que le gouvernement n'a pas fait suffisamment d'efforts sur son train de vie.
Des coupes budgétaires estimées à plus de 336 milliards F CFA sur rien que sur les investissements sur ressources internes. C'est l'une des décisions les plus lourdes de la loi de finances rectificative 2025, adoptée le samedi par l'Assemblée nationale. Ces choix, le ministre des Finances et du Budget les assume pleinement.
“Avec la conjoncture, on s’est rendu compte que notre produit intérieur brut va se rétracter de 907 milliards. Si vous y ajoutez les autres facteurs, les recettes seront en deçà des attentes. Et moi, je ne serai pas le ministre des Finances qui va attendre la fin de l’année, qui se rend compte qu’on n’a pas atteint les objectifs de recettes et qui va prendre les recettes de janvier et février pour les intégrer dans l’exercice précédent”, s'est justifié Cheikh Diba.
Avant d'ajouter : “Ce ne serait ni de la transparence ni de la responsabilité. C’est pourquoi nous avons pris les devants avec cette LFR, une option que nous assumons.”
Mais pourquoi les investissements, alors que l'État disposait d'autres leviers pour dégager des marges ? C'est la critique qui revenait le plus chez les députés de l'opposition. En première ligne, il y avait notamment Thierno Alassane Sall, qui a objecté : “Nous avons vu à la faculté des Sciences juridiques et politiques de l'UCAD, des étudiants qui assistent aux cours depuis les fenêtres, faute de places dans l'amphi. Certains font cours jusqu'à 22 h. Nous voyons les productions des maraichers pourrir année après année, parce qu'ils n'ont pas de chambres froides. Il nous faut prendre en charge ces défis.”
Au lieu de couper les investissements, pense-t-il, le gouvernement doit faire plus d'efforts dans le fonctionnement, en agissant notamment sur son train de vie. “Pendant que des milliers d'étudiants peinent à étudier dans des conditions décentes, on continue d'alimenter des fonds opaques. On a donné au président de la République 9 milliards de fonds politiques que les actuels gouvernants jugeaient ‘haram’. Cela aurait pu permettre de construire quatre amphis de 2 000 places ou 10 restaurants universitaires de 1 500 places. Je peux en dire autant avec ces nominations tous azimuts et inutiles. Ceux qui étaient censés donner l’exemple continuent donc de vivre dans l’opulence”, fulmine Thierno Alassane Sall.
Le ministre des Finances a toutefois relativisé, en disant que le gouvernement a surtout ciblé des projets qui n'ont pas de grand impact sur la croissance.
Au total, c'est environ 200 projets différés, faute de ressources. Pour lui, le gouvernement est résolument engagé sur une trajectoire de consolidation budgétaire, notamment en réduisant le déficit dès cette année, malgré les difficultés. “Notre objectif est de ramener le déficit à 5 %. On va faire tous les efforts nécessaires pour y parvenir. Dès cette année 2025, on est à 7,08 % de déficit. La crédibilité de notre trajectoire en dépend”, s'est-il défendu, non sans rappeler que plus de 109 milliards ont aussi été économisés sur le fonctionnement (transferts courants et achats de biens et services).
PAR MOR AMAR